L’un des principes essentiels du droit d’auteur est que la propriété du support matériel est indépendante de celle des droits de propriété intellectuelle (article L.111-3 du Code de la propriété intellectuelle).
Ainsi, le fait de posséder un tableau de maître ne vous autorise pas pour autant à le reproduire comme bon vous semble sans l’autorisation préalable et expresse de l’auteur de cette oeuvre.
Il en va de même en matière architecturale : l’image d’un bâtiment ne peut être reproduite sans l’autorisation de l’architecte titulaire de droits d’auteur ou de ses ayants-droit. Je vous en parlais déjà ici.
Mais qu’en est il lorsque l’œuvre est tombée dans le domaine public, c’est à dire lorsque les droits d’auteurs sont arrivées à expiration, 70 ans après la mort de l’auteur ou du dernier des co-auteurs en cas d’œuvre de collaboration ? Le propriétaire du bâtiment lui même a t’il son mot à dire ?
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Il faut aujourd’hui distinguer biens privés et biens publics.
POUR LES BIENS PRIVES
Aux termes de l’article 544 du Code civil, « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
Sur le fondement de cet article, la Cour de cassation a, dans un premier temps, jugé en 1999 que le propriétaire du « Café Gondrée », premier bâtiment libéré par les troupes américaines le 5 juin 1944, pouvait s’opposer à la vente de cartes postales représentant cet endroit de l’extérieur, quand bien même la photographie aurait été réalisée depuis le domaine public, une telle exploitation portant atteinte au droit de jouissance du propriétaire.
Cette décision, vivement critiquée, a par la suite été nuancée. Désormais, il est jugé de manière régulière que le propriétaire d’un bien ne peut s’opposer à l’exploitation de l’image de ce dernier par un tiers qu’à la condition que cette exploitation lui cause un « trouble anormal » de jouissance de son bien.
Tel est par exemple le cas lorsque l’exploitation de la représentation d’un bien, situé dans un lieu calme, a généré́ un trouble de jouissance en raison de l’afflux de touristes sur le site.
Toutefois, il a été jugé que le seul fait que l’exploitation de l’image soit effectuée à titre commercial est insuffisant pour caractériser ipso facto l’anormalité du trouble causé.
Il en va cependant différemment lorsque l’exploitation économique de l’image du bien (un château d’exploitation viticole reproduit sur l’étiquette des bouteilles de l’exploitation voisine par exemple) est réalisée par un concurrent qui prive le propriétaire de l’avantage qu’il aurait pu retirer de l’image de son bien.
Dès lors, sous réserve des droits d’auteur du photographe et de l’architecte, l’exploitation de l’image d’un bien privé est libre dès lors qu’elle ne cause pas de trouble anormal au propriétaire dudit bien, notion appréciée au cas par cas par les juges, en fonction de l’utilisation que le propriétaire fait, ou aurait pu faire, lui-même de son bien.
POUR LES BIENS PUBLICS
EDIT 2017 Concernant les biens publics, l‘article L.621-42 du Code du patrimoine prévoit désormais que « L’utilisation à des fins commerciales de l’image des immeubles qui constituent les domaines nationaux, sur tout support, est soumise à l’autorisation préalable du gestionnaire de la partie concernée du domaine national. Cette autorisation peut prendre la forme d’un acte unilatéral ou d’un contrat, assorti ou non de conditions financières. La redevance tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation. L’autorisation mentionnée au premier alinéa n’est pas requise lorsque l’image est utilisée dans le cadre de l’exercice de missions de service public ou à des fins culturelles, artistiques, pédagogiques, d’enseignement, de recherche, d’information et d’illustration de l’actualité. Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application du présent article.«
Il n’est donc aujourd’hui plus possible de reproduire l’image d’un bien appartenant à l’Etat à des fins commerciales sans autorisation préalable du propriétaire.
Article rédigé par Margerie Véron, auteur du livre « Le droit d’auteur pour les écrivains » –