Je vous en parlais ici dès ses débuts, l’affaire ALLOSTREAMING a fait couler beaucoup d’encre. Le site IPnews propose en exclusivité aux lecteurs du blog Des Droits, Des Auteurs son analyse de la décision rendue :
Les ayants droit français de l’audiovisuel ont récemment obtenu gain de cause contre des sites internet spécialisés dans le streaming ou le téléchargement illégal de films ou de séries télévisées. La décision du 28 novembre 2013 (qui n’est qu’une décision de première instance) est très intéressante en ce que le juge a pris la peine de tenter de répondre à l’ensemble des questions (et obstacles) qui lui avaient été soumises. Désormais, tant les moteurs de recherche que les fournisseurs d’accès à internet (FAI) devront faire tout ce qui est en leur pouvoir pour bloquer l’accès à ces sites litigieux.
Présentation d’une disposition légale unique en son genre
Depuis 2009 et l’adoption de la loi Hadopi, le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) français contient un article riche en potentialités pour les titulaires de droit.
Il est ainsi libellé (article L.336-2):
« En présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme des référés, peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des sociétés de perception et de répartition des droits visées à l’article L. 321-1 ou des organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. »
Dès lors, un tribunal (celui de grande instance statuant en la forme des référés) peut ordonner toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à remédier à cette atteinte lorsque l’atteinte est occasionné via internet.
C’est cette disposition que les titulaires de droits de l’audiovisuel français ont mis, pour la première fois, en application dans le cadre de cette procédure.
Blocage de 16 noms de domaine
Les industriels français ont obtenu du juge que ce dernier ordonne à l’encontre tant de FAI français (comme Orange, Bouygues Télécom, Free, Numericable, SFR et Darty Télécom) que des moteurs de recherche comme Google, Orange, Bing et Yahoo! d’empêcher la consultation de 16 sites Internet faisant partie de la galaxie Allo. Ces sites permettaient aux Français de regarder en streaming ou de télécharger quantité d’œuvres audiovisuelles et ce en toute illégalité. En effet, comme de coutume, ces sites fonctionnent sans autorisation des titulaires de droit.
Plus spécifiquement, le juge va ordonner aux FAI de « mettre en œuvre et/ou faire mettre en œuvre (…) toutes mesures propres à empêcher, à partir du territoire français (…) l’accès par tout moyen efficace et notamment par le blocage« . A l’égard des moteurs de recherche, le juge va leur ordonner de » prendre ou faire prendre toute mesure utile en vue d’empêcher sur leurs services l’apparition de toute réponse et tout résultat renvoyant vers l’une des pages ».
Les mesures de blocage et de filtrage sont donc très larges. Et, surtout, les mesures ne sont pas précisées par le juge !
Les titulaires de droit savent très bien que les opérateurs de ces sites, une fois la décision judiciaire prise, vont rapidement modifier le nom de leur site. C’est pourquoi, les ayants droit avaient proposé au juge que sa décision de blocage et de filtrage s’adapte automatiquement aux nouveaux noms de site liés aux précédents. Et ce sans devoir repasser devant le juge à nouveau.
Le juge n’a pas été aussi loin.
En effet, le juge français a considéré qu’il faudra le saisir à chaque besoin de mise à jour, par le biais d’une procédure en référé.
Malheureusement pour les ayants droit (et dans la droite ligne des conclusions de l’avocat général espagnol rendues dans le cadre du dossier UPC Telekabel), ce seront bien les professionnels de l’audiovisuel qui devront financer les différentes mesures de blocage et de filtrage.
Les 16 noms de domaine concernés sont les suivants:
– fifostream.tv
– allostreaming.com
– allshowtv.com
– allomovies.com
– alloshare.com
– allomegavideo.com
– alloseven.com
– allourls.com
– fifostream.com
– fifostream.net
– fifostream.org
– fifostreaming.com
– fifostreaming.net
– fifostreaming.org
– fifostreaming.tv
Une décision historique mais déjà dépassée
Cette décision judiciaire a, comme on le dit souvent, déjà le mérite d’exister.
Elle utilise une disposition législative (l’article L.336-2 du CPI français) qui avait été fortement contestée lors de son vote.
Toutefois, elle ne vise que 16 noms de domaine. Les opérateurs de ces sites auront vite fait (si ce n’est pas déjà fait) d’émigrer leur contenu illégal vers des noms de sites internet se rapprochant de ceux utilisés et dorénavant bloqués pour les internautes français.
Le point central de la décision est le fait qu’elle ne précise PAS les mesures que les FAI et les moteurs de recherche doivent mettre en œuvre afin de respecter le contenu de la décision.
Est-ce en ligne avec les récentes conclusions rendues dans le cadre de l’affaire UPC Telekabel? Nous en doutons.
Par contre, nous sommes satisfait du fait que le juge n’a pas voulu suivre les industriels du cinéma en ce que ceux-ci proposaient de remplacer la saisine future du juge en cas d’apparition de sites miroirs aux sites bloqués par l’utilisation d’un logiciel informatique. Le blocage d’un site internet étant une solution radicale, il est plus que nécessaire et utile d’avoir la vision d’un juge professionnel avant de décider si oui ou non le blocage doit s’opérer.
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