Interview « Nom de domaine et marque : quelle protection ? »

Me MARGERIE Véron

Vous voulez tout savoir sur le droit des marques ?! Interview de Margerie Véron sur le sujet par le blog cgv-pro.fr  :

« Votre marque va offrir à votre clientèle un moyen de repère. C’est grâce à elle que vous pourrez arriver à fidéliser des clients. Vous avez tout intérêt à la protéger juridiquement. Qu’est-ce qui peut être une marque ? Comment se déroule la procédure de dépôt ? Peut-on déposer comme marque un autre signe déjà exploité ? Qu’est-ce qu’une marque notoire ou une marque de renommée ? Qu’est ce qu’il faut entendre par la notion de monopole ? »

I. Une marque : un actif protégé par la loi

Une marque est un signe permettant au consommateur de distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d‘autres entreprises. Il s’agit d’un actif immatériel protégé par un droit de propriété intellectuelle.

II. Le critère d’antériorité : une notion importante

Aujourd’hui, la jurisprudence reconnaît de manière constante qu’un nom de domaine enregistré préalablement à une marque constitue un droit antérieur permettant valablement de s’opposer à l’enregistrement et l’exploitation d’une marque postérieure. Ainsi, un certain nombre de marques ont été annulées comme portant atteinte à un nom de domaine antérieur.

Pour fonder de telles décisions, les juges prennent en compte le risque de confusion que pourrait entraîner la coexistence des deux signes dans l’esprit du public, mais également l’exploitation effective du nom de domaine revendiqué, l’enregistrement du nom de domaine à lui seul ne pouvant faire échec aux droits sur la marque postérieure.

La marque doit donc être enregistrée le plus tôt possible afin de s’assurer de sa disponibilité et ne pas avoir de mauvaise surprise ultérieurement, en cours d’exploitation. Il peut en effet être fort préjudiciable d’avoir à modifier le nom d’un produit ou d’un service en cours de commercialisation.

III. Ce qui peut être une marque 

Tout signe non descriptif des produits ou services qu’il désigne peut être enregistré à titre de marque, à condition d’être:

    1. Disponible,
    1. Non déscreptif,
  1. Et susceptible de représentation graphique.

Un mot ou une combinaison de mots en français ou dans une langue étrangère, de lettres et de chiffres peuvent ainsi constituer une marque mais il peut également s’agir de dessins, de symboles, d‘éléments en trois dimensions (ex.: la forme et l’emballage des produits), de signes non visibles tels que des sons (ex. : une portée musicale), ou encore de couleurs suffisamment déterminées.

A ce jour, faute de pouvoir être représentées graphiquement, les odeurs ne sont pas protégeables en France à titre de marque.

Quant au patronyme, a priori rien ne s’oppose à son enregistrement à titre de marque, sous réserve des utilisations qui en seraient faites par la suite. Il se pourrait que son utilisation tombe sous le coup de la concurrence déloyale ou du parasitisme par exemple.

IV La notion de monopole en matière de marque

Les marques sont régies par le principe de spécialité. Ainsi le monopole d’exploitation conféré par l’enregistrement n’est valable que pour les produits et services visés par celui ci. Dès lors, si les produits ou services ne sont pas similaires et que l’utilisation de la seconde marque n’est pas susceptible de générer un risque de confusion dans l’esprit du public, le dépôt d’une marque identique ou similaire à celle d’un tiers est envisageable. Ainsi, les stylos Mont Blanc coexistent ils avec la crème dessert éponyme.

V. La différence entre une marque de renommée et une marque notoire

Ces deux expressions font référence à des marques qui bénéficient d’un régime de protection élargie du fait de leur degré de connaissance particulièrement élevé auprès du public, souvent suite à un usage intensif et ancien effectué par leurs titulaires. Elles échappent ainsi à certains principes de base du droit des marques.

La marque de renommée est une marque enregistrée dont la protection s’étend au delà du principe de spécialité et donc des produits et services visés dans le dépôt.

La marque notoire quant à elle bénéficie d’une protection quand bien même elle n’aurait pas fait l’objet d’un dépôt, échappant ainsi au principe selon lequel le droit de marque s’acquière par enregistrement préalable.

VI. Procédure pour déposer sa marque et la durée de protection

Le dépôt de marque se fait auprès d’une organisation officielle chargée d’enregistrer les marques par l’envoi d’une demande d’enregistrement. En fonction de la zone géographique que l’on souhaite couvrir par le dépôt, l’office compétent varie : INPI pour les marques françaises ; OHMI pour les marques communautaires ; OMPI pour des dépôts visant plusieurs territoires dans le monde entier ; offices nationaux pour les pays ne participant pas au système mis en place par l’OMPI.

Une fois enregistrée, la marque est protégée pour dix ans, renouvelable indéfiniment moyennant payement des redevances correspondantes.

VII. Déposer une marque, alors qu’elle est déjà exploitée par un tiers, mais sous forme de dénomination sociale

Un tel dépôt est possible car l’office ne détermine la disponibilité d’un signe qu’au regard des marques enregistrées identiques ou similaires désignant des produits identiques ou similaires. Mais il y a un risque que le titulaire de la dénomination sociale antérieure s’oppose à l’enregistrement de la marque (il a deux mois pour le faire à compter de la publication de la demande d’enregistrement) ou intente ultérieurement une action en concurrence déloyale démontrant le risque de confusion et le préjudice subi du fait de l’activité exercée sous ce signe distinctif commun.

VIII. Conseils aux entrepreneurs qui hésitent à déposer une marque ?

La marque représente l’image de votre société, de vos produits ou de vos services. L’enregistrer, c’est se conférer un monopole d’exploitation qui crée nécessairement une valeur ajoutée pour votre entreprise puisqu’il s’agit d’un actif de la société. C’est aussi se donner la possibilité de l’exploiter par contrat, en la cédant ou en la donnant en licence. C’est également empêcher vos concurrents de se l’approprier et la possibilité de la défendre en justice en cas de contrefaçon ou de détournement.

IX. Le mot de la fin

L’investissement financier d’un dépôt de marque est faible (200 euros en 2015 pour un dépôt français couvrant 3 classes de produits et services) en comparaison de l’efficacité et de l’étendue de la protection conférée. L’aide d’un spécialiste peut se révéler particulièrement utile pour déterminer les classes de produits et services adéquates, rédiger le libellé le plus adapté à votre activité présente et potentielle et éviter la multiplication des échanges avec les offices pours des vices de forme ou de fond.

Article rédigé par Margerie Véron, auteur du livre « Le droit d’auteur pour les écrivains » –