Mix, remix et œuvre composite : le statut des œuvres créées par les DJ

(c) Julien Lapalus

Un DJ (qu’il conviendrait désormais d’appeler platiniste) est, selon la définition parue au Journal Officiel, un « artiste qui combine différentes sources sonores, particulièrement des disques en vinyle ou compacts, en vue de produire une création originale ». Mais quels droits possède- t-il sur une telle création ?

Une petite mise au point technique s’impose tout d’abord. On appelle mix un enchainement de plusieurs titres sans interruption : la fin d’un morceau de musique est fondue avec le début du morceau suivant de manière à assurer une transition progressive, souvent en l’accompagnant d’un calage tempo.Un remix consiste quant à lui dans l’intervention d’un artiste sur la structure d’un titre préexistant, par exemple par un mélange de deux ou plusieurs sources, la création de boucles musicales, une modification de la vitesse du tempo, du rythme… Entrent notamment dans cette catégorie les mashups, ou versus, consistant traditionnellement à superposer la version a cappella d’un titre avec l’instrumental d’un autre.

Juridiquement, mix et remix s’analysent en œuvres composites au sens de l’article L.113-2 du Code de la propriété intellectuelle. En effet, l’œuvre composite, ou œuvre dérivée, est  « l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière ».

L’œuvre composite suppose ainsi l’incorporation d’une œuvre ancienne dans une œuvre nouvelle. L’autorisation de l’auteur de l’œuvre originaire (voir celle des titulaires de droits voisins tels que le producteur du phonogramme ou les artistes-interprètes) est donc nécessaire, sauf si cette dernière est tombée dans le domaine public.

Dans le domaine musical, le fait de demander l’autorisation de tous les titulaires de droits d’auteur et droits voisins sur l’œuvre préexistante s’appelle la clearance.

L’œuvre composite est alors la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante et plus particulièrement de son droit moral.

Dès lors, l’auteur de l’œuvre composite bénéficie sur celle-ci de droits d’auteur (droit de représentation et de reproduction notamment), mais ne peut l’exploiter qu’avec l’autorisation de l’auteur de l’œuvre première qui, souvent, demandera à être rémunéré en conséquence.

Précisons toutefois que lorsque le mix de titres obtenus légalement est créé et diffusé dans une soirée publique (c’est-à-dire, selon la SACEM, dès lors qu’il y a une entrée payante, une vente de boisson ou un flyer) directement, c’est à dire sans être reproduit, la déclaration à la SACEM, déposée par l’organisateur de la soirée, emportera le droit d’exploiter les œuvres préexistantes.

Le problème de clearance se pose donc essentiellement pour les mix et remix destinés à être reproduits avant diffusion au public (exploitation commerciale et diffusion sur Internet notamment).

Statutairement, le DJ remixeur (et non simple « pousseur de disques ») bénéficiera le plus souvent auprès de la SACEM des droits accordés à l’arrangeur.

Article rédigé par Margerie Véron, auteur du livre « Le droit d’auteur pour les écrivains »