Les accords de coexistence de marques

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Le principe de spécialité en matière de marque signifie que le titulaire de celle-ci bénéficie d’un monopole d’exploitation mais uniquement pour les catégories de produits et services désignés dans son enregistrement.

Ainsi peuvent coexister des marques identiques, pour désigner des produits ou services différents. C’est par exemple le cas de la marque MONT BLANC, qui désigne à la fois des crèmes desserts et des stylos de luxe.

Afin d’éviter ou de résoudre rapidement un conflit entre deux marques identiques ou similaires, il est souvent conclu entre les deux titulaires un accord de coexistence, plus économique que la confrontation juridique, afin de déterminer l’utilisation qui sera faite de chacune des marques.Peuvent être ainsi répartis des territoires d’utilisation, ou encore des catégories de produits ou services pouvant être désignés par chacune des marques coexistant, délimitant ainsi des secteurs d’activité pour chacun des titulaires.

Il est cependant difficile de définir les contours de futurs développements de leurs activités. L’arrivée de l’ère numérique a ainsi fragilisé de nombreux accords de coexistence, rappelant l’intérêt de réviser les contrats en fonction des avancées technologiques.

C’est ainsi que Apple Corps, label musical fondé par les Beatles, et Apple Computer se sont retrouvés dans une situation délicate. Les deux sociétés avaient conclu en 1991 un accord conférant à  Apple Computer le droit exclusif d’utiliser ses marques Apple « sur des produits électroniques, des logiciels d’ordinateur, des services de traitement des données et de transmission de données ou sur des produits ou services en rapport avec lesdits produits ou services » et à Apple Corps le droit exclusif d’utiliser ses marques Apple « sur ou en rapport avec toute œuvre de création actuelle ou future ayant pour principal contenu de la musique ou des prestations musicales, quel que soit le moyen, tangible ou intangible, utilisé pour enregistrer ou communiquer ces œuvres ».

Le développement d’Internet a toutefois sensiblement fragilisé la distinction entre le champ d’activité de ces deux entreprises. En effet, Apple Computers a considéré que le lancement par Apple Computers de l’iPod et du logiciel et service de musique en ligne iTunes, violait l’accord de coexistence. Le tribunal anglais saisi de l’affaire a estimé que le logo d’Apple Computers était utilisé en rapport avec le logiciel, et non avec la musique fournie par le service, de sorte qu’en téléchargeant de la musique au moyen du logiciel iTunes, le consommateur ne risquait pas de croire qu’il avait affaire à Apple Corps. Il n’y avait donc pas eu violation de l’accord de coexistence.

En France, en cas de litige sur l’exécution d’un contrat de coexistence, la jurisprudence est bien établie : ces accords doivent être interprétés restrictivement, tout ce qui n’est pas expressément inclus est exclu.

Rappelons enfin que les accords de coexistence doivent être inscrits au Registre National des Marques pour lier également les cessionnaires à venir.

Article rédigé par Margerie Véron, auteur du livre « Le droit d’auteur pour les écrivains »